Le 5 juillet 2024 - 9 min de lecture - Tribune collective
À la veille du second tour des élections législatives, la question des étrangers alimente les débats. Cette tribune collective vise à expliquer quelles sont les conditions réelles et légales d'un étranger vivant en France.
Depuis la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, la question des étrangers en France suscite vives réactions et divisions. Sur les plateaux et dans les journaux, assertions simplistes et suppositions erronées se multiplient tandis que nous, avocats en droit des étrangers, sommes absents du débat public.
La réalité de l’accueil, des conditions de vie ou de régularisation des étrangers est bien loin des fantasmes et peurs répandus. La France a délivré, en 2023, 326924 premiers titres de séjour (ministère de l’Intérieur, 27.06.2024) soit à l’échelle nationale, 0,4 % de la population française. Des régularisations “massives” ? Intox.
La régularisation par le travail, la plus courante, ne peut être sollicitée qu’en produisant nombre de fiches de paie, difficiles à obtenir du fait même du statut de l’étranger. Lorsqu’elle aboutit, elle ne fait que prendre acte du fait qu’il s’est rendu indispensable à la société par son travail et a montré une volonté réelle d’intégration dans le respect des principes de la République.
L’apport de la récente loi du 26 janvier 2024 sur les métiers dits "en tension" (où l’offre d’emploi est supérieure à celle des candidats) est fictif. La liste de ces métiers n’a pas été mise à jour depuis 2021 et ne correspond pas à la réalité. À Paris, la restauration ne fait pas partie des métiers en tension, tout comme le secteur de l’aide à la personne où la France manque cruellement de main-d’œuvre. Intox.
Cette même loi a durci les conditions de délivrance et renouvellement d’une carte de séjour, en violation de certains droits fondamentaux :
S’agissant des “aides” accordées aux étrangers, là encore, contre-vérités sont dites, répétées et diffusées, laissant penser qu’un accueil confortable est réservé aux demandeurs d’asile. Intox.
Seule une partie des demandeurs d’asile peuvent, pendant la durée d’instruction de leur demande, percevoir l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) d’un montant journalier de 6,80 euros. Si un hébergement, dans une structure dédiée (centre d’accueil souvent avec des chambres partagées et des sanitaires communs) est proposé (ce qui n’est pas toujours le cas) et refusé, l’intéressé n’a droit à rien. Le fantasme de l’étranger qui bénéficierait d’un logement “de standing”, au lieu et place d’un français, est un pur cliché. Si la demande d’asile est rejetée, le versement de l’ADA cesse et la personne n’a plus droit à aucune aide.
Par ailleurs, bien que largement critiquée et présentée comme un important poste de dépenses, l’aide médicale d’État (AME), qui permet un accès aux soins de santé de base, ne représente que 0,47 % des dépenses de santé en France (Assemblée nationale, V. Louwagie, 17.05.2023).
En tout état de cause, outre sa nécessité évidente sur le plan humanitaire, l’AME est un enjeu de santé publique puisqu’elle permet de limiter la propagation de maladies sur le territoire.
Les OQTF, délivrées en nombre, sont bien souvent illégales, faute d’examen réel de la situation des personnes auxquelles elles s’adressent.
En 2022, 18 % des OQTF contestées ont été annulées par les juridictions administratives du fait de leur illégalité selon un rapport de la Cour des comptes (La politique de lutte contre l’immigration irrégulière, 01/2024). Leur délivrance arbitraire est la cause directe de leur mauvais taux d’exécution.
Pire, c’est parfois l’administration elle-même qui place des étrangers en situation d’irrégularité. Les demandes de renouvellement de titres de séjour font l’objet de délais de traitement anormalement longs, notamment à cause de la dématérialisation des procédures. Dans l’attente de la délivrance de leur nouvelle carte, des personnes qui vivent et travaillent en France depuis des années peuvent perdre leur droit au séjour, leur travail, parfois leur logement.
Pour les personnes étrangères, aucune démarche n’est une simple formalité.
En ce qui concerne le droit du sol, il n’existe pas. Intox.
Le droit français admet seulement la possibilité qu’un enfant né en France de parents étrangers et scolarisé depuis au moins 5 années, puisse solliciter à partir de 13 ans la nationalité. C’est une loi de bon sens qui prend acte de l’intégration en France d’une famille étrangère, le constat que l’on devient français en s’instruisant à l’école française, quelle que soit son origine et celle de ses parents.
Nous, avocates, praticiennes du droit des étrangers, rappelons que l’accueil et le traitement des étrangers en France, c’est déjà cela :
« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Si tant est qu’il faille redouter d’accueillir massivement, nous en sommes bien loin.
Il s’agit de ne pas faire pire. Nous ne devons pas faire pire.
Nous, avocates, praticiennes du droit des étrangers affirmons que :
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