Le 15 juin 2024 - 9 min de lecture

La Convention d'Occupation Précaire (ou bail précaire) : une alternative séduisante au bail commercial lorsque les circonstances le permettent 

Propriétaires, vous disposez d’un local commercial vacant dans l’attente de la réalisation d’un projet (restructuration, expropriation, revente, etc.) et/ou pour lequel vous souhaitez conserver un droit d’accès ou de reprise ? La Convention d’Occupation Précaire (COP) peut alors être une solution très intéressante, bien plus souple que le bail commercial !

 

 

Lorsqu’un propriétaire envisage de mettre à disposition un local « commercial » (bureau, commerce, etc.), le contrat est en principe soumis au statut contraignant des baux commerciaux (facturation des charges au réel, durée minimale de 9 ans, droit au renouvellement du locataire en fin de bail, etc.).

Par exception, si la mise à disposition est d’une durée de 3 ans ou moins, les parties peuvent conclure un bail dérogatoire, lequel permet de déroger en grande partie au statut des baux commerciaux.

Mais est-il possible de conclure un contrat d’une durée de plus de 3 ans tout en échappant au statut des baux commerciaux ?

Oui !

C’est tout l’intérêt de la Convention d’Occupation Précaire (« COP ») qui peut être conclue lorsque des circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties le justifient (1) et qui obéit alors à un régime très souple (2).
 

1. Les circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties.

La COP est justifiée par : « le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties » (art. 145-5-1 Code de commerce). 

Ces « circonstances particulières » sont aussi qualifiées de « motif de précarité » par la doctrine. Ce sont des circonstances qui empêchent le propriétaire de pouvoir consentir un droit d’occupation stable, pérenne et entier. 

Ainsi, le propriétaire peut conclure une COP portant sur l’occupation : 

  • de locaux au sein d’un immeuble voué à la démolition (CA Grenoble, 8 janv. 2008, n° 07/02437) ou à l’expropriation (CA Paris 22 juin 2005 arrêt « Flipper ») ;
  • d’un terrain dans l’attente du lancement d’un projet de construction (CA Paris 31 mai 1991, loyers et copro. 1991, comm 431) ;
  • de locaux en cours de revente par le propriétaire (CA Rennes, 7e ch., 10 mars 2004, n° 03/00349) ;
  • de locaux avec un droit de reprise par le propriétaire sur une partie du local et un droit d’accès du propriétaire pendant le cours de la COP sur une autre partie du local (les quais) (V. CA Chambéry, ch. civ., 16 janv. 2002, n° 1998/02396 : JurisData n° 2002-166344)
  • de manière intermittente du local, à savoir seulement pour les « jours de marché et de foire » (Cass. 3e civ., 14 nov. 1973, n° 72-13.043)

Et, ces circonstances particulières doivent être « indépendantes de la seule volonté des parties ». Le motif de précarité de l’occupation doit donc être en partie externe aux parties. 

Ainsi, le propriétaire ne peut pas conclure de COP : 

  • de 23 mois avec l’occupant sur le seul fondement de la volonté de l’occupant de céder son fonds de commerce ou droit au bail (sic) exploité dans les locaux (Cass. 3e Civ., 7 juill. 2015, n°14-11.644)
  • pour permettre une occupation des lieux dans l’attente de l’acquisition des locaux, alors que l’acquisition des locaux ne dépendait pas de l’accord d’un tiers (telle qu’une banque) (CA Bordeaux, 19 févr. 2024, n° 22/00234 : JurisData n° 2024-003190).

Attention, à la requalification en cas de fraude 

En cas de non-respect du critère relatif aux « circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties, la COP pourra être requalifiée en bail commercial (CA Paris, 16e ch. A, 24 sept. 1991).

 La réalité du motif de précarité est appréciée à la date de demande de requalification et non à la date de conclusion de la COP. Ainsi, par exemple, si la COP pouvait être justifiée à sa signature par la réalisation par le propriétaire d’un projet de construction d’un centre commercial, elle doit être requalifiée en bail commercial en cas d’échec du projet marqué par la caducité du permis de construire obtenu (CA Paris, Pôle 5, ch. 3, 21 juin 2023, n° 20/05096). 

2. Un régime souple : absence d’encadrement de la durée et liberté totale des parties

L’intérêt pour les parties de conclure une COP est la souplesse apportée par son régime. 

D’une part, la COP n’est soumise à aucune condition de durée, de sorte que des COP d’une durée allant de 12 à 20 années ont été admises (Cass 3e. civ, 19 novembre 2014 n° 13-20.089 ; Cass. 3e civ., 29 avr. 2009, n° 08-13.308 ; Cass 3e civ. 20 juin 1979, n°77-13863).

D’autre part, les règles strictes et contraignantes du statut des baux commerciaux ne s’appliquent pas. Autrement dit, outre la durée, les parties peuvent librement : 

  • définir un forfait de charges au lieu d’une facturation au réel,
  • prévoir une faculté de résiliation par les parties à tout moment, 
  • ne pas prévoir d’état des lieux, ou
  • prévoir un droit d’accès partiel ou un droit de reprise du propriétaire. 

Aussi, le régime général des baux, d’habitation ou commerciaux, qui prévoit des obligations tant pour le locataire que pour son bailleur (prise en charge de la vétusté, obligation de délivrance) ne vient pas non plus à s’appliquer (Cass. 3e civ., 19 nov. 2014, n° 13-20.089).

Ainsi, l’occupant ne peut pas se prévaloir de l’obligation pour le propriétaire de lui louer un local en conformité avec la réglementation et avec l’usage autorisé dans les locaux, obligation quasi d’ordre public pesant sur le bailleur dans le cadre d’un bail commercial (Cass. 3e civ. 11 janv. 2024, n°22-16.974).

La Convention est ainsi régie par ses seuls termes et conditions, au plus grand plaisir des parties en recherche d’un accord simple et efficace sur une occupation des locaux. 

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